B)Exemple d'une publication très médiatisée ;
Le directeur de Charlie Hebdo a décidé de justifier la publication d'une nouvelle série de caricatures du prophète Mahomet pendant que la situation s'envenimait.
En effet ce matin 19 Septembre 2012, les kiosques ont vendus beaucoup plus d'exemplaires du journal Charlie Hebdo que d'habitude. Pour cause, une série de caricatures du prophète Mahomet dans un moment frappé par les conséquences de la diffusion d'un film anti-islam qui a causé des émeutes lors desquelles près de 30 personnes ont trouvé la mort. Depuis , des fourgons de CRS protègent le bâtiment de sept étages où le journal satirique Charlie Hebdo est installé.
Après toutes les réactions retrouvées sur Twitter et sur Facebook, ainsi que dans la presse en général, le directeur de l'hebdomadaire a décidé de justifier sa publication. Il fit donc une interview pour Europe 1 dans laquelle il a pointé le fait que les dessins à la base de la polémique "ne sont pas plus provocants que d'habitude". Il a aussi ajouté que le dernier numéro du journal "représente Mahomet, certaines fois, comme on le fait depuis toujours, depuis vingt ans maintenant"
Le directeur ayant exprimé son point de vue sur le scandale suscité par les caricatures. Il ajouta qu'il considérait que si on commence à se dire « On ne peut pas dessiner Mahomet, ensuite il ne faudra pas dessiner des musulmans tout court". Puis il poursuivi son discours ;
"Ensuite, il ne faudra pas dessiner quoi ? Des cochons, des chiens ? Ensuite il ne faudra pas dessiner des êtres humains ?"
Charb évoqua même la liberté d'expression avec ironie :
"Après, on vendra 16 pages blanches de Charlie Hebdo", avant de conclure : "si on commence à céder sur un détail, s'en est fini de la liberté d'expression.
Du coup, à la suite de vives réactions à ces publications, plusieurs questions furent posées, telles que ;
¤ Et vous, pensez-vous que la liberté d'expression est un recours facile pour défendre une publication ?
¤ Considérez-vous que l'attitude de ce journal a été maladroite?'
¤ Charlie Hebdo a-t-il eu raison de publier ses caricatures alors que des manifestations venaient d'enflammer plusieurs villes du Maghreb et du Proche-Orient, en réaction à la diffusion du film islamophobe "L'innocence des musulmans" ?
¤ L'hebdomadaire satirique a-t-il jeté de l'huile sur le feu ou dénoncé des pratiques insupportables et défendu vaillamment la liberté d'expression?
Les avis sont partagés. Voici quelques arguments des uns et des autres ;
¤ POUR
La plupart des défenseurs de Charlie Hebdo pensent que la défense de la liberté d'expression est inaliénable, quelles que soient les circonstances..
"Non, la presse ne peut pas tenir compte du contexte"
" La liberté peut être accompagnée d'irresponsabilité ", "chaque citoyen peut considérer que c'est de mauvais goût", admet le directeur de la rédaction de L'Express dans un édito vidéo, mais "il ne peut pas y avoir de limite à la liberté d'expression". "On ne peut pas tenir compte du contexte parce que c'est un syndrome munichois", plaide Christophe Barbier. "Il faut protéger les musulmans contre l'islamophobie", mais il faut aussi "protéger les musulmans contre leur ennemi no1, qui est aujourd'hui l'intégrisme au sein de leur religion. On voit les plus fondamentalistes s'en prendre à des lieux de culte, à des lieux saints de leur propre religion. On commence par exterminer les modérés de sa propre religion avant de déclencher la guerre contre autrui", avertit le Directeur de la rédaction de L'Express.
Christophe Barbier
"La meilleure façon de combattre les discours de haine, ce n'est pas de les interdire mais de les discuter"
"Notre droit à la liberté d'expression est très restrictif. Parmi ces restrictions, on peut citer les discours de haine. Or, la meilleure façon de les combattre, ce n'est pas de les interdire mais de les discuter, de les démasquer, de montrer leur faiblesse", justifie la juriste, interrogée par Libération. Elle regrette même qu'on interdise la manifestation "Touche pas à mon prophète".
Marcela Lacub
"Il n'existe pas de champ sacré où la religion, où tout autre domaine, serait inattaquable"
"La religion, comme toute institution, a besoin de la critique et de la caricature pour évoluer. Il n'existe pas de champ sacré où la religion, où tout autre domaine, serait inattaquable. Ce serait une régression pour l'ensemble des libertés publiques", estime le , député (PS) de l'Essonne, dans Le Parisien. Et d'observer qu'en tant qu'élu d'une circonscription populaire, "ce qui fait mal, c'est moins un film de série Z qui vient des États-Unis ou des caricatures que le chômage."
Malek Boutih
¤ OUI... MAIS
"Le vrai dérapage est l'emballement médiatique"
Le directeur d'Arrêt sur image accorde à la rédaction de Charlie Hebdo le droit de faire "ce qu'elle veut. Cela s'appelle la liberté de la presse. Pour lui, le vrai scandale, "c'est que David Pujadas y consacre l'ouverture du 20 heures. Quand le système médiatique en fait l'affaire nationale du jour, voilà où est la dérive."
Daniel Schneidermann
¤ CONTRE
Beaucoup des critiques reprochent au journal satyrique des relents racistes, sous prétexte de défense de la laïcité.
''Les caricatures vont trop loin''
"Les caricatures dépassent la représentation du prophète. Elles ont basculé dans la représentation de ceux qui sont considérés comme musulmans ", observe le politologue spécialiste du monde arabe, interrogé sur France-Inter.
Gilles Kepel
"La liberté d'expression peut blesser, salir, humilier"
"À quand l'inscription du droit au blasphème dans une Déclaration universelle des Droits de l'Homme, aux côtés sans doute du droit à l'expression de propos homophobes, négationnistes, racistes", demande le sociologue. "La liberté d'expression peut faire mal (...) humilier, salir." On en tient compte "quand il s'agit de protéger le droit à la dignité des femmes, des homosexuels ou des handicapés; on l'admet aussi (...) quand il s'agit de prohiber l'expression de propos négationnistes (...), pour protéger le droit à l'intimité de personnes qui peuvent être ravagées durablement par la propagation de rumeurs, fondées ou infondées, sur leur vie privée. Mais qu'importe quand il s'agit de populations que l'on méprise sourdement, ou dont on ignore superbement les croyances!"
Philippe Braud
"S'attaquer à l'islam en Occident relève d'un opportunisme douteux"
"Est-ce que la démarche critique des questions théologiques ou pratiques religieuses est d'ordre 'philosophique' ou est-elle plutôt d'essence raciale? interroge Ziad Majed, auteur du blog Vendredis arabes qui se demandait, au moment de la sortie du numéro spécial Charia hebdo en novembre dernier quelle était la part de racisme dans ces caricatures. "Comment doit-on interpréter une illustration pour le moins hideuse de Mahomet, d'abord exaspéré d'être 'aimé par des cons' et aujourd'hui, aux yeux exorbités promettant '100 coups de fouets à ceux qui ne meurent pas de rire' pour ne citer que celles-là", souligne le chercheur, enseignant à l'université américaine de Paris. "S'attaquer à l'islam en Occident relève d'un certain opportunisme douteux, car au final il est attendu que la ferveur du soutien à cet exercice facile rallie un public conséquent de tous bords."
Ziad Majed
"Les mêmes qui se mobilisent pour la liberté de la presse appellent à interdire les manifestations des islamistes''
"Paradoxalement, les mêmes qui se mobilisent pour la liberté de la presse et pour Charlie Hebdo appellent à interdire les manifestations des 'islamistes'. Rappelons que le petit rassemblement tenu devant l'ambassade des États-Unis a regroupé à peine deux cents personnes, pour la plupart de jeunes Français qui ont fini au poste", s'étonne l'auteur du blog Nouvelles d'Orient. Il s'interroge sur ceux qui "agitent le chiffon rouge de l'islamisme depuis des années à longueur de déclarations et de colonnes de journaux, mais qui n'expliquent pas comment les quelques millions de musulmans pourraient menacer la République, eux qui sont ostracisés, dont une fraction est reléguée dans de lointaines banlieues, qui sont en plus profondément divisés (socialement, politiquement et même religieusement)."
Alain Gresh
Au nom de la liberté d’expression, l’hebdomadaire sa décidé de publier le 19 septembre de nouvelles caricatures du prophète Mahomet. Des dessins «qui jettent de l’huile sur le feu», une semaine après la vague de violences qui a suivi la diffusion sur Internet d’une partie du film américain antimusulman ; L’innocence des musulmans. .L’affaire Charlie Hebdo a provoqué des réactions embarrassées et suscité à nouveau la polémique à travers le monde.
Comme les réactions furent violentes, le journal après avoir entendu de nombreuses fois qu'il devait s'assagir, décida de publier deux versions ; une version «irresponsable» (avec un homme préhistorique découvrant, littéralement, comment mettre de l’huile sur le feu), et une version «responsable» (avec une page blanche, tout simplement).Ce double numéro est donc la réponse choisie par l’hebdomadaire satirique, accusé d’avoir ignoré et alimenté la colère d’une partie du monde musulman avec ses dessins consacrés à l’affaire du vrai-faux film anti-islam.
Selon son directeur, le dessinateur Charb ;
« La version «responsable» correspond à «ce que souhaitent voir les gens» (qui accusaient l’hebdomadaire d’être allé trop loin). La version «irresponsable» serait, elle, «un Charlie Hebdo normal ».